Les livres recommandés par vos bibliothécaires - 43

Pauline a aimé ce roman d'apprentissage sur le harcèlement scolaire qui se place du point de vue du harceleur et se roman de science-fiction qui  nous plonge dans un monde de vortex . Elodie nous recommande ce roman contemplatif qui se déroule en Haute-Savoie. Miquel s'est laissé prendre par une histoire improbable sur le fond et la forme. Ester partage son avis sur deux histoires : un roman dystopique aux allures de roman policier et un roman à  la dimension presque fantastique où les voix des deux personnages s'alternent.

Vortex / Anna Benning   

Par Pauline, bibliothèque Centre-Ville de Grenoble

SF et romance pour ados 

En 2019, le Grand Amalgame s’abat sur terre : des vortex s’ouvrent un peu partout, retournent terres et mers et créent surtout des êtres humains hybrides, couplés aux 4 éléments et dotés de pouvoirs surnaturels. 80 ans après, en 2099, les hybrides sont craints et parqués dans des zones séparées des autres. Elaine, 16 ans, concourt pour intégrer une troupe d’élite de Coureurs chargés de garder à distance les hybrides en se déplaçant via les vortex. Élève disciplinée et talentueuse, elle n’a qu’une hâte : réussir l’examen d’entrée. Mais la version de l’Histoire qu’elle a apprise n’est peut-être pas la bonne…
Un page-turner ! On plonge avec délice à la suite d’Elaine dans cet univers post-apocalyptique bien construit, qui mêle une réflexion sur la nature et la civilisation. L’intrigue est haletante, à peine le temps de reprendre son souffle et l’héroïne, forte et courageuse, remet en question ce qu’on lui a appris tout en s’engageant dans une romance forcément bouleversante.

Marche ta peine / Maryvonne Rippert

Par Pauline, bibliothèque Centre-Ville de Grenoble
Rando et prise de conscience

Ulis, un ado populaire et sans problème apparent, a 14 ans et se retrouve dans le bureau d’une juge. Comme alternative à la maison de redressement, elle lui propose de rejoindre le programme Marche ta peine : après un entraînement en centre de quelques jours, il partira avec un éducateur randonner à travers la France. Mais qu’a fait Ulis pour se retrouver dans cette situation ? Un truc horrible, dont il ne prend même pas vraiment conscience…

Avec André, marcheur taiseux, il va s’ouvrir, réaliser petit à petit, d’abord sa violence, rentrée, et son environnement, subi, et ensuite comment assumer les conséquences de ses actes, essayer de réparer, grandir, tout simplement. Un beau roman d’apprentissage qui éclaire le sujet du harcèlement scolaire du point de vue du harceleur, et présente un personnage complexe rarement décrit.

L'Homme peuplé / Franck Bouysse

Par Ester, bibliothèque d'Echirolles

Le sorcier et l'écrivain

Depuis Née d’aucune femme, son premier roman en collection blanche, Franck Bouysse nous invite à vivre des histoires qui s’enracinent au cœur de territoires souvent méconnus, parfois oubliés, comme ces paysages de Corrèze évoqués dans son recueil de poèmes Fenêtres sur cours (Phébus, 2021).

Dans L'homme peuplé, on se retrouve au cœur de ces mêmes paysages, à la différence, qu'ici, l'auteur intègre de façon imperceptible, une dimension presque fantastique. Nous y suivons l’histoire de deux jeunes gens dont on apprend la psychologie par des courts chapitres alternant les deux personnages. Caleb d’abord, réservé et mutique, doté de pouvoirs guérisseurs, sous l’emprise d’une mère aussi rude que le climat dont il a hérité, le don ou la malédiction ainsi qu'une secrète histoire familiale. Harry ensuite, romancier adulé pour sa première publication, se retrouve plongé dans le doute et la frustration devant le fait de devoir confirmer l'exploit : comment retrouver l’état de grâce qui avait fait éclater l’étincelle créatrice ? Et, plus encore, comment résoudre ce lien au père et aux espoirs qu'il a mis en ses capacités littéraires ?

Ce récit à deux voix, s'affranchissant du temps linéaire, met face à face deux destins que tout oppose mais qui révèlent un même visage dans leur rapport intimiste au monde.

Outre la mère de Caleb, le personnage féminin de Sofia occupe une place importante, il est l'élément révélateur des images et des fantômes enfouis dans le passé, à la manière d'un calque qui fait apparaître la même image mais en négatif. L’Homme peuplé, n'est peut-être pas le roman le plus facile d’accès de l'auteur Franck Bouysse, mais il est sans doute celui qui lui est le plus personnel, celui où ce qu'on appelle "le don" de créer ou de guérir en est la véritable question.

L'île haute / Valentine Goby

Par Elodie, bibliothèque Kateb Yacine de Grenoble

En altitude

Vincent débarque en train en Haute-Savoie. Il a 12 ans, souffre d'asthme et s'appelle en réalité Vadim mais c'est la guerre, il ne doit pas le dire. Il a une nouvelle famille chez laquelle il va se réfugier mais sa mère, restée à Paris, lui manque et il s'inquiète beaucoup pour son père, dont ils sont sans nouvelle. Heureusement, dans cette haute montagne qu'il découvre, il va vivre des expériences tellement nouvelles et fortes qu'il va trouver la force de traverser cette drôle d'enfance.

Valentine Goby a écrit un texte descriptif très visuel, d’autant plus que le personnage dessine, qu’il met des couleurs sur les mots et discute du paysage avec un berger aveugle qui le guide dans ses découvertes de la nature en hiver (blanc), au printemps (vert) et en été (jaune). Le contexte de la guerre n’est pas plombant parce qu'il n'est pas premier, il est prétexte à la découverte de la haute montagne par un jeune garçon qui entre dans l’adolescence et découvre en même temps l’amitié et les premiers émois amoureux. C’est un roman contemplatif et lent mais riche en émotions.

Qui se souviendra de Phily-Jo ?  / Marcus Malte

Par Miquel, bibliothèque de Le Pont de Claix

Qui se souviendra ?

Marcus Malte est vraiment un auteur improbable. Désormais, chacun de ses romans prend une nouvelle direction imprévue et pourtant on est à chaque fois emporté par le fond et par la forme. Cette fois-ci, on sombre en plein jeu littéraire, après des débuts de thriller un brin curieux, on s’enfonce dans une série de récits enchâssés où l’on passe de Nabokov à League of Legends, de Dallas à Noam Chomsky.

C’est à la fois complexe et drôle, réjouissant et cryptique. L’auteur s’amuse avec l’intertextualité (au sein du roman mais aussi avec ses romans précédents), au risque de nous perdre.

Chien 51 / Laurent Gaudé

Par Ester, bibliothèque d'Echirolles

L'homme est un loup pour l'homme

Zem Sparak fut un militant grec qui crut en la force de ses idéaux et à la mobilisation du peuple capable d'inverser le cours de l'histoire. Aujourd'hui nombreux sont les États qui ont fait faillite rachetés par des complexes nébuleux qui ont asservis les citoyens. Il ne reste rien non plus de l'homme d'avant Zem, même pas le nom. Ce monde dans lequel il est né et a aimé a disparu et avec lui tout le sens de son existence. Avec Chien 51 c'est à un voyage dans un monde dystopique que nous sommes conviés mais pas si loin de nos préoccupations actuelles, à l'image de ce dôme climatique qui protège les zones des nantis laissant les plus pauvres subir déluges et vents violents.

Pour autant ceux qui chercheraient dans Chien 51 un roman d'anticipation seront sans doute déçus. La narration empreinte plus au policier qu'à la SF qui n'est évoquée que pour mieux servir le propos de l'auteur ; nous alerter sur les dangers de la perte de ce qui fait de nous des êtres ancrés dans une réalité, une culture et une histoire. Seul le passé, semble nous dire l'auteur, peut nous préserver de l'absence d'avenir.

Ce dernier roman de Laurent Gaudé gagnerait peut-être à être mis en parallèle avec son livre précèdent, Nous l'Europe, banquet des peuples, long cantique sur les luttes qui ont donné naissance à nos nations modernes et sur les milliers d'histoire que les peuples européens ont en commun. Chien 51, construit en 40 chapitres, s'ouvre d'ailleurs sur "Dernières visions du port" et se ferme sur "Ithaque"... Zem Sparak Ulysse de temps post-modernes ?