x

Les livres recommandés par vos bibliothécaires - 31

Femme tenant une liseuse
Image par Perfecto_Capucine de Pixabay

Christophe nous recommande deux livres : l'un nostalgique sur la perte de ses parents à un âge où on pourrait s'y attendre et un second sur le voyage d'un père et son fils en Amazonie. Céline nous emmène prendre l'air à la campagne avec la bande-dessinée de Catherine Meurisse. Nicolas s'est laissé prendre par l'histoire de cet athlète éthiopien, devenu champion olympique de l'épreuve de marathon à Rome en 1960. Marion nous partage son avis sur un essai qui dénonce les falsifications dans les ouvrages et articles scientifiques. Pauline a aimé le récit de vie de Magyd Cherfi.

 

Ordesa / Manuel Vilas

Ordesa Par Christophe, bibliothèque municipale de Varces

Une exploration de la mémoire familiale

Il n’y a pas d’âge pour trouver naturel d’être orphelin. C’est ce dont témoigne Manuel Vilas dans Ordesa. L’auteur qui a perdu son père puis sa mère à un âge où l’on peut raisonnablement s’y attendre, n’arrive pas à s’y faire. Et dans ces pages sur la nostalgie, aussi puissantes que sublimes, à l’écriture presque poétique (l’épilogue l’étant totalement), Manuel Vilas se souvient de ses deux parents dont il se rend compte avec une émotion non feinte qu’ils lui sont intimement et en grande partie des inconnus. Les portraits annexes (oncles ahurissants, deux fils sur la réserve, une grand-mère poignante) renforcent l’évidence de ce tableau d’une Espagne des classes moyennes qui, malgré l’histoire complexe de ce pays depuis tant d’années, nous en propose une vision universelle et touchante.

Plus qu’au Monarque des ombres, le dernier Javier Cercas, pour son pouvoir évocateur, son cran et sa franchise, Ordesa m’a plutôt ramené à Karl Ove Knausgaard et à son exceptionnelle autobiographie au long cours (Mon combat, six tomes chez Denoël).

Amazonia / Patrick Deville

Amazonia Par Christophe, bibliothèque municipale de Varces

Père et fils

 Patrick Deville et son fils Pierre remontent l’Amazone. C’est l’occasion pour cet auteur à la curiosité et à l’érudition aussi cosmopolite qu’espiègle de convoquer dans cette géographie assez dingue toute une kyrielle de figures et de lieux dont on pourrait presque douter de leur réalité tant ils nous renvoient à une vraie fantasmagorie : de Bélem aux Galapagos, en passant par Manaus et Guayaquil, nous croisons Aguirre, Humbolt, Darwin et même Werner Herzog.

Cette sorte de cosmogonie du sous-continent latino-américain, doublée d’une très belle évocation de la filiation, ne serait qu’un livre de plus sans l’œil badin et lucide de l’auteur de Peste et Choléra et Taba-Taba. On y retrouve le Jean Rolin de Crac ou encore l’esprit du Hugo Pratt de Sous le signe du Capricorne et de .

Cerise sur le gâteau : c’est très bien écrit.

Les grands espaces / Catherine Meurisse

Les grands espacesPar Céline, bibliothèque Centre-Ville de Grenoble

"La campagne est une ludothèque qui s’ignore"

Quand sortir de la ville pour respirer un grand bol de campagne passe par la lecture, c’est à Catherine Meurisse qu’on le doit !

La couverture cette bande dessinée est déjà une invitation aux "grands espaces" mais en tourner les pages, quelque fois touffues, rappelle à ceux qui l’ont vécu, la magie d’une enfance à la campagne. A ceux qui ont grandi ailleurs, elle offre la possibilité d’un songe.

Certains diront que la rêverie à travers les "plantations littéraires" qui citent les grands classiques comme Proust ou Rabelais, sont déjà des vies pour privilégiés. Pourtant, j’aime à penser qu’on peut être séduit par des inconnus, dans un roman, une BD ou un tableau, comme dans la rue !

Alors si Proust ou Rabelais, ne sont ici que des personnages secondaires, la vraie héroïne, c’est dame Nature et tous ces cadeaux pour les yeux ! Comme un musée à ciel ouvert.

Vaincre à Rome / Sylvain Coher

Vaincre à Rome

Par Nicolas, bibliothèque Centre-Ville de Grenoble

Au bout de l'effort

 

Ecrire un livre sur le sport est un exercice ardu, souvent plus que l’épreuve elle-même, surtout lorsque le résultat est connu dès les premières pages : Jeux Olympiques de Rome, samedi 10 septembre 1960, l’athlète éthiopien Abede Bikila, remporte pieds-nus le marathon en 2h 15’16’’, efface des tablettes le record du monde d’Emil Zatopek et ouvre la voie à la domination sans partage des coureurs est-africains sur la discipline. Au-delà du récit épique ou de la fresque historique qui marque la revanche symbolique de l’Ethiopie sur l’envahisseur italien, Sylvain Coher s’attache à nous faire vivre de l’intérieur les pensées de l’athlète et les émotions de l’homme. Cette petite voix intérieure connue de tous les coureurs de fond, qui permet de poser le cerveau et de laisser l’esprit divaguer au rythme de l’effort et des kilomètres qui jalonnent les chapitres du roman.

Cette petite voix qui nous rappelle que les hommes simples sont capables des plus grands exploits.

Malscience. De la fraude dans les labos / Nicolas Chevassus-au-Louis

MalsciencePar Marion, bibliothèque Kateb Yacine de Grenoble

Du petit menteur au fraudeur en série...

Interrogés de manière anonyme, 2 % des scientifiques reconnaissent avoir inventé ou falsifié des données. Parce qu’ "en science le prestige et la postérité vont à la première personne qui publie une observation ou un phénomène. C’est un jeu où le gagnant prend tout". Des images retouchées, des courbes lissées, des données inventées, des plagiats manifestes, des articles créés par ordinateur, tous les moyens de frauder sont analysés dans ce livre. Etayé de nombreux exemples, cet essai s’interroge sur les causes de cette explosion d’articles toxiques dans la littérature scientifique. Il remet en cause la validité et la pertinence du système actuel de contrôle par les pairs et réfléchit aux moyens d’y remédier. Ce livre apporte une réflexion indispensable sur l’intégrité scientifique et un constat effrayant de l’apparition de cette "Malscience" ; une science produite en masse mais de moins en moins fiable.

Ma part de Gaulois / Magyd Cherfi

Ma part de GauloisPar Pauline, bibliothèque Centre-Ville de Grenoble

Nos ancêtres les Gaulois

Pour Magyd Cherfi, l’expression "Nos ancêtres les gaulois" relève plus de la crise d’identité que de l’évidence. De sa banlieue toulousaine, il nous raconte une autre histoire de France, celle des descendants d’immigrés entassés dans des HLM sans grand espoir d’en sortir, et surtout, sa propre histoire d’émancipation aidée par la littérature. Une écriture vive et complexe au service d’un récit atypique.