Dans son roman 1984, Georges Orwell raconte le destin de Winston Smith, Britannique en résistance face à l’obscur Big Brother et son parti unique, dominant et totalitaire. Dans l’annuaire, au moins 25 personnes portent le même patronyme à Londres. Paul Heintz part à leur rencontre pour voir “s’il existe entre tous ces homonymes et le héros d’Orwell un lien indicible”.Character part d’un hasard, celui de porter le même nom que le personnage d’un roman, character en anglais. Et pas n’importe lequel : 1984, publié en 1948, est l’un des livres les plus lus et cités au monde. En dénonçant les ravages du stalinisme, ce récit dystopique a depuis largement dépassé son contexte politique pour devenir un manifeste philosophique universel sur l’aliénation et la liberté.Character est divisé en deux parties distinctes. D’abord, le portrait de trois Winston Smith in situ se baladant dans une Londres multiculturelle balayée par les caméras de surveillance, dans les banlieues cossues de Broadstairs (Kent) ou les entrepôts de Birmingham. L’effet délavé des prises de vues en caméra super 8 confère une dimension atemporelle à la capitale britannique. Le pouvoir de la fiction ronge ces images qui paraissent refléter la ville dystopique du roman. Alors qu’en toile de fond, des manifestants expriment leur colère et défendent les droits des personnes racisées en Grande-Bretagne, le dispositif monté par Paul Heintz bouleverse le quotidien et les certitudes des Winston Smith ayant répondu à la petite annonce énigmatique postée dans le journal The Sun ou rappelé suite aux messages laissés sur leurs répondeurs par le réalisateur.Dans un second mouvement, le film change de régime d’images et opère un retour à la réalité contemporaine. Les Winston Smith, une fois réunis sur les praticables d'une scène théâtrale, deviennent à leur tour des personnages, installés pour débattre de la dimension sociale et politique du livre et comparer leurs expériences de vie. Ils s’imaginent ensemble à la place du “ dernier homme de l’Europe”, un titre alternatif à 1984. S’ils avaient été le héros du livre, comment auraient-ils réagi ? En discutant du rôle joué par chacun dans un cadre commun, ils nous invitent à penser que la résistance au XXIe siècle consiste peut-être à réinventer le collectif dans une société capitaliste individualiste et fracturée.
