C’est son histoire personnelle, - une sœur handicapée mentale et abîmée du visage -, qui a conduit Didier Cros à s’intéresser aux personnes défigurées, celles qu’en temps de guerre on appelle les gueules cassées et qui ne sont dans le civil représentées par aucune association, contrairement aux victimes de la plupart des maladies. À la polysémie du titre (la disgrâce physique rejoint la perte de l’estime) répond la subtilité du dispositif mis en place pour apprivoiser ces personnes en grande souffrance: une séance de pose au studio Harcourt, à Paris, prestigieux sanctuaire du portrait d’art depuis les années trente. Au studio, la clientèle est accueillie dans une ambiance feutrée par des photographes qui exercent leur art dans un cadre et selon un schéma très travaillés (prise de vue sans flash, effets de clair-obscur) nécessitant des poses longues. C’est ce temps suspendu et cette atmosphère un peu irréelle qui permettent au documentaire d’exister et de faire naître les témoignages, chacun s’exprimant face au miroir de maquillage, face aussi à ce visage qu’il ne reconnait pas comme sien. Le choix à priori paradoxal du temple de la beauté pour montrer l’envers de la normalité, la différence radicale, permet d’apporter une réponse formelle dynamique à l’épineuse question de la représentation. Le dispositif choisi se lit comme une variation sur l’image de soi et le regard de l’autre. En obligeant le spectateur à regarder dans le miroir l’image du témoin qui se voit lui-même simultanément, il opère par ce jeu de distanciation une complicité entre les deux observateurs. Dans ce contexte, la difformité physique perd de sa puissance d’attraction et la relation verbale peut s’établir. Les témoignages de Patricia, défigurée par un jet d’acide, de Jenny, brûlée dans l’incendie de la maison de ses parents, de Stéphane, rongé par un cancer, de Guilhem, victime d’une maladie génétique et de Gaëlle, qui a reçu une balle dans la joue pendant l’attaque du Bataclan, racontent tous la même triste histoire, celle de personnes qui ont définitivement perdu leur identité et qui ont vécu un long calvaire médical pour une reconstruction toujours insatisfaisante. Si leur souffrance intime et sociale est patente, leur exclusion n’est pas une fatalité. Comme La Disgrâce nous le rappelle, il suffit d’oublier apparences et préjugés pour découvrir/retrouver l’autre.
Des pères de 30 à 80 ans, photographiés debout, torse nu, avec leur fils, de quelques mois pour les plus jeunes, ou entrés dans la cinquantaine pour les plus âgés. Ils sont proches, peau contre peau et posent à la manière des port...
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