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Le Gaslighting ou l'art de faire taire les femmes
Livre
Edité par Humensis - 2023
"Tu es sûre que tu vas bien ? Tu as l’air fatigué en ce moment. Et puis tu oublies beaucoup de choses…" Gaslight, film fondateur réalisé par George Cukor en 1944, raconte le calvaire de Paula. Son mari la persuade qu’elle est folle en baissant progressivement la lumière des lampes à gaz pour installer l’obscurité dans la maison et les esprits… Le gaslighting désigne originellement une relation conjugale reposant sur la manipulation d’une femme par son époux. Il est devenu un mot-clé de la psychologie américaine, puis un outil critique du féminisme, avant récemment de définir un type de langage politique mensonger et la violence qui en découle. Le repérer, c’est d’abord pointer les abus subis par les victimes, le plus souvent des femmes, ainsi que le processus mis en œuvre pour brouiller ce statut même de victime – le gaslighteur est maître dans l’art d’inverser les rôles. C’est ensuite élucider comment les fondements de la réalité, voire de la vérité, sont progressivement sapés. Car cette notion, qui permet de retracer comment les femmes ont été réduites au silence, est devenue une arme politique dangereuse. Hélène Frappat livre la première définition philosophique d’un mot au cœur de tous les débats de notre époque.
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- Philosophie
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Pschitt, la femme s’évapore
Hélène Frappat s’appuie sur le film de Cukor de 1944. Nul besoin d’avoir vu le film pour comprendre le phénomène de "gaslighting". Les scènes-clés sont décrites de façon précise et vivante et l’implacable machination est déroulée et analysée. Pour étayer son propos, l’écrivaine et critique s’appuie sur de nombreuses références allant du cinéma (Hitchcock, Rosselini, Zemeckis, Tourneur), aux contes et figures mythologiques ("Barbe bleue", "Alice au pays des merveilles", "Cassandre"), de la philosophie antique à contemporaine (Aristote, Hannah Arendt). Ces exemples étayent le propos et mettent en avant la similitude des mécanismes : l’isolement, le doute, la falsification des faits, la manipulation du langage, la perte de confiance, la capitulation… jusqu’au dénouement où l’ironie délivre la captive. Loin d’être cantonnées à la relation conjugale ou privée, les formes du gaslighting dans la société et la politique (Poutine et Trump) sont mises en lumière. A l’heure de la désinformation, des post-vérités et autres falsifications de la réalité, cet ouvrage est passionnant, pour porter un autre regard sur la force du langage, dans la sphère privée et publique… et garder son ironie, donc son esprit critique.
Myriam, bibliothèque de Grenoble - Le 28 janvier 2025 à 15:48