J'écris l'Iliade
Livre
Edité par Editions Gallimard - 2025
- Classification
- Récits ; Romans francophones ; Homère ; Mythologie grecque ; Erotique ; autofiction
Se procurer le document
Autre format
Issus de la même oeuvre
Suggestions
Avis
Avis des professionnels
-
Hélène et les garçons
Histoire de redescendre un peu de son alcoolisme solitaire et de ses peines de cœur : à la page 93 de ce livre, Michon va faire une pause au café des chasseurs. A l’un de ses acolytes qui lui balance que sa littérature est « imbitable », il acquiesce et surenchérit : elle n’est que « prise de tête et compagnie » et ne sert qu’à « épater les intellectuels et gagner quelques sous ». Alors, lucide, Pierre Michon ? Non. C’est un malin. Recueil de quatorze textes, « J’écris l’Iliade » est une approche protéiforme, insolite, intense de l’humanité dans ce qui l’anime depuis qu’elle est descendue de l’arbre : le désir puissant (le sexe, oui), la guerre et la mort. Quoi de mieux alors que « l’Iliade » d’Homère comme fil d’Ariane ? S’il alterne les récits fictifs et autobiographiques truculents, il faut tout de même prendre à la lettre le titre de ce livre. Pas gonflé, Pierre Michon s’amuse (et nous avec) de réécrire certains passages homériques. Et c’est incroyable. Il nous rappelle par exemple que la reine Pasiphaé n’a pas conçu le Minotaure en tricotant comme Pénélope (avis aux amateurs) … chapitre dément où l’on comprend que Pierre Michon ne se refusera rien – quel régal ! Mais ne vous méprenez pas : pour l’auteur, l’écriture revêt la plus haute importance. Il le dit lui-même : « Chaque phrase doit contenir le livre » et ça se lit, ça s’entend. Quel régal (je me répète) ! Sachez-le : « J’écris l’Iliade » transpire d’érotisme tout du long. Et c’est casse-gueule, l’art érotique. Tenez, pas plus tard qu’hier soir, je regardais le remake d’« Emmanuelle » d’Audrey Diwan. Eh bien c’est raté, parce que c’est creux, c’est vain, c’est bourgeois. Tandis que Michon ! Chaque mot est pesé. Il veut tenir le désir de son lecteur et de sa lectrice. A trop aimer les mythes, Pierre Michon n’en oublie pas de démythifier. Et pas seulement sa propre personne ni sa statue de « grand auteur ». Après avoir évoqué son envie de tuer à la hache l’amant de sa maîtresse, le livre finira en un formidable autodafé. Aidé de son voisin Alcide, l’agriculteur au gros tracteur, Michon crame toute sa bibliothèque. Trente pages dans lesquelles s’égrène une histoire de la littérature mondiale. Et Alcide – qui n’a pas lu un livre depuis l’élémentaire – de trouver que « ça fait de la peine ». Le lecteur ne sait plus sur quel pied danser. Malaise ? Mais non : rions !! Vous ai-je déjà dit que « J’écris l’Iliade » était un régal ?
Christophe, bibliothèque de Varces - Le 01 avril 2025 à 10:53