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Conjuguer passé et présent
Traité de Versailles humiliant, crise de 29, nous avons tous dans un coin de nos têtes le souvenir scolaire des causes majeures de l’accession des nazis au pourvoir en 1933 en Allemagne. Une théorie de l’inéluctable. Comment alors ne pas s’étonner que notre situation politique contemporaine s’envisage à nouveau comme une fatalité ? Ce que Johann Chapoutot, professeur d’histoire contemporaine à la Sorbonne, spécialiste de l’Allemagne, nous démontre dans ce livre n’est pas tout à fait la petite chanson qu’on nous raconte à l’envi. Petit un, la comparaison entre les années 30 allemandes et la France d’aujourd’hui est pertinente. Et ça fout les jetons. Et petit deux, oui, il y a bien des responsables. Ceux qu’ils nomment sans paradoxe « les irresponsables ». Hitler n’aurait jamais dû ni pu arriver au pouvoir si les partis libéraux délégitimés électoralement n’avaient continué de mener leur politique antisociale à coups d’article 48-2 (similaire à notre 49-3) avec l’appui de la gauche sociale-démocrate ; si ce même « extrême centre » acculé n’avait pas fini par faire alliance avec l’extrême droite ; si la République de Weimar ne s’était pas présidentialisée à partir de 1930 au détriment du Parlement, « concentrant ses pouvoirs exorbitants dans les mains faillibles d’un homme pas exagérément intelligent, mais orgueilleux et buté » (il s’agit bien d’Hindenburg, toute ressemblance…) ; s’il n’y avait pas eu refus de tenir compte du résultat des élections… Si, si, si... Chapoutot, en écrivant ce livre dense, fouillé et référencé, comme il le dit lui-même page 273, « n’en finit pas de se frotter les yeux » tant l’analogie entre l’Allemagne de 1932 et notre « actualité » est frappante. Analogie qu’on pourra lui reprocher. « Trop explicite pour être honnête ? » Raisonnement qui tient du point Godwin ? Chapoutot rétorque qu’il préfèrera toujours en tant qu’historien l’honnêteté à l’objectivité qui n’a aucun sens scientifique, et que si « l’anathème » vise son « analogie » entre ces deux périodes, c’est que cette dernière « est critique, voire subversive ». « Les irresponsables », est le procès lucide et urgent de tout un système politico-économique qui s’agrippe au pouvoir et à ses privilèges coûte que coûte. Et dont la responsabilité et ses conséquences ont été, et pourront l’être à nouveau, dévastatrices.
Christophe, bibliothèque de Varces - Le 15 avril 2025 à 11:12