Regards français vers la Russie

C’est un mécanisme bien connu et pourtant chaque fois il se reproduit. Quand un conflit, une guerre, le terrorisme renaît ici ou là, il y a très souvent le bon et la brute. Alors tout paraît simple, le méchant, le bad guy, on le conspue, on lui rentre dedans si c’est possible, et si c’est un peu compliqué, on le boycotte, ce sera toujours ça de fait.

Cela s’appelle un amalgame, petit vocable qui a repris du poil de la bête lors des attentats commis ces dernières années en France. Tous les musulmans ne sont pas des terroristes, tous les Allemands de 1943 n’étaient pas des nazis, au même titre qu’il doit exister des Marseillais supporters du Paris-Saint-Germain. Et – vous me voyez venir – le Russe de 2022 ne soutient pas forcément le maître actuel du Kremlin. L’essentialisation est le carburant du racisme. Et pas à deux euros le litre. Là, c’est gratuit, pour le coup.

Voici donc sur votre numothèque une petite sélection pleine d’amour franco-russe. Un peu à l’image du livre fiévreux d’Annie Ernaux Passion simple, les relations entre nos deux pays, nos deux peuples, si elles n’ont pas toujours été simples (et une Bérézina pour la route…), elles ont souvent été passionnées, pleines de désir, de séduction, de fascination et de crainte respectives.

Annie Ernaux, mais aussi Emmanuel Carrère évidemment. Vous trouverez sur Bibook deux de ses livres les plus puissants : Limonov et Un roman russe – A noter que son merveilleux film Retour à Kotelnitch, complément indispensable à Un roman russe, est disponible en DVD à la bibliothèque Kateb Yacine.

Toujours sur Bibook, belle occasion de lire ou relire le rital François Cavanna. S’il existe bien un amoureux de la Russie et de sa langue (qui, selon lui, est aux autres langues ce que les "échecs sont à la pétanque"), c’est bien cet auteur. Dans Les Russkoffs, Cavanna fait la rencontre de Maria au stalag. Livre universel et pacifiste, une écriture unique. Un chef d’œuvre.

Autre grand russophile bien connu : l’écrivain Olivier Rolin. On pourra l’accompagner sur CinéVOD avec le film Solovki, la bibliothèque disparue réalisé par Elisabeth Kapnist. Rolin chez les Soviets fait un mix de Tintin et de Proust et part à la recherche de la bibliothèque perdue de cet enfer sur terre que fut le camp de rééducation des îles Solovki.

Si vous avez encore soif de dinguerie à la sauce soviétique, c’est naturellement dans l’œuvre "post-exotique" d’Antoine Volodine qu’il faut se rassasier ! Son dernier roman Les filles de Monroe atteint des sommets d’humour, de noirceur et d’ésotérisme branque ! Un régal pour peu que l’on se laisse aller…

Finissons avec l’anthropologue Natassja Martin, bien connue à Grenoble. Son désormais célèbre livre Croire aux fauves, témoignage sidérant faisant suite à l’attaque d’un ours dont elle a été victime en 2015 au Kamtchatka, est à nouveau disponible sur Bibook. Les deux films qu’elle a réalisés avec Mike Magidson sur les Évènes, peuple de cette région, visibles sur CinéVOD (Kamtchatka, un hiver en pays évène et Kamtchatka, un été en pays évène), sont un préambule idéal à la lecture de Croire aux fauves.

Au-delà de la numothèque, lisez ou relisez les géants russes (au premier rang desquels je placerais Dostoïevski), mais aussi profitez du cinéma unique de ce pays (Einsenstein – Le Cuirassé Potemkine est disponible sur CinéVOD – ; Tarkovski évidemment ; tous les films de Zviaguintsev ou encore du jeune réalisateur Kantemir Balagov dont les films sont disponibles en DVD à la bibliothèque internationale de Grenoble).

Sélection réalisée par Christophe, bibliothèque de Varces.