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Les livres recommandés par vos bibliothécaires - 40

Femme tenant une liseuse
Image par Perfecto_Capucine de Pixabay

Amélie nous recommande le nouveau roman absurde de son auteur fétiche, Fabrice Caro. Christophe partage son enthousiasme total pour un livre dont il est difficile de parler.  Clémentine suggère cette histoire passionnante qui se déroule dans un marais. Axelle a aimé ce roman à la fois feel good et ancré dans la réalité sur trois soeurs iraniennes exilées en Irlande. Cécile recommande la série de fantasy en deux tomes Rule et Tristan, un thriller qui suit un adolescent et son frère qui ont dû fuir de chez eux.

 

Samouraï / Fabrice Caro

SamouraïPar Amélie, bibliothèque de Vif

Absurde mais juste

Après Adrien et Axel, voici Alan. En plus d’un prénom qui commence par la même lettre ils ont en commun un cerveau qui turbine à plein régime et leur maladresse.

Dans ce nouveau roman, il est question d’écriture et d’inspiration (Alan est écrivain), de piscine et de notonecte, d’un homme au cœur brisé et de ses amis qui cherchent à le caser (pourquoi la solitude nous paraît-elle si lourde ? Pourquoi toujours vouloir remplir le vide ? Comme quand on nous apprend à colorier et qu’il ne doit rester aucun blanc : pour quelle raison n’aurait-on pas droit de laisser du blanc ?), d’un enfant maltraité par son jumeau démoniaque (et de leurs parents démissionnaires).

Fabrice Caro est définitivement mon chouchou. Il continue dans la lignée de Le Discours et Broadway et si vous ne les avez pas aimés passez votre chemin. Moi j’aime sa façon de pointer nos contradictions, nos défauts, nos manies. J’ai l’habitude de lire en marchant, de lire en attendant mon bus et ce matin ceux qui m’ont croisée m’ont vu sourire et pouffer de rire. Parce que ce je me reconnais dans certains traits, parce que certains sont poussés à l’extrême et c’est tellement improbable que c’en est drôle (si vous aimez le genre absurde, je vous conseille également l’excellent Mon mari de Maud Ventura).

En écrivant cet avis, passe le morceau Dreams of a Samurai des Red Hot Chili Peppers (hasard du cd choisi par une collègue pour ambiancer la médiathèque). Et une de mes chansons fétiches est Samouraï de Shurik’n (grand écart musical assumé). Alan y verrait sûrement un signe. Alors qu’en bande-son des romans de Fabrice Caro, je poserai plutôt Allô ! Maman, bobo de Alain Souchon.

Rabalaïre / Alain Guiraudie

Rabalaïre Par Christophe, bibliothèque de Varces

L'Humanité

Une fois par an, par lustre, ou même par décennie quand les vaches sont maigres, on referme son livre et on se dit : "Bon sang, c’est quelque chose". Et, voyez comme la vie est taquine : c’est précisément de ces œuvres-là dont il est très difficile, voire impossible, de parler. Et sous ses airs roturiers, Rabalaïre d’Alain Guiraudie est de cette aristocratie : un roman parfaitement unique.

Alors je pourrais vous laisser sur ces deux mots : "Lisez Rabalaïre". Vous feriez bien comme vous voulez et l’affaire s’arrêterait là. Mais je sens bien que cela serait un peu court pour suffire à vous convaincre. Car, très vite, vous vous rendriez compte que le monstre fait plus de mille pages. "Bon, allez-vous me répondre, dis-nous donc de quoi ça cause ton machin. Mille pages, si c’est sympa, au contraire, on prendra le temps et au plaisir !". Oui mais (là vous commencez à me trouver pénible) : comme le rappelle Mohamed Mbougar Sarr dans La plus secrète mémoire des hommes : "Ça parle de quoi ? Cette question incarne le Mal en littérature". Et si j’en arrive à solliciter la tutelle d’une citation piquée sur Babelio, fut-ce le prix Goncourt, c’est certainement que je commence à m’embourber.

Allons. Je vais me lancer. Au moins pour celles et ceux qui auront été un peu titillés. Soyez indulgents. Hardi, petit.

Fraichement au chômage, Jacques, le narrateur ne s’en fait pas : un bon vélo pour de longues virées et des DVD et des Astérix pour les soirées canapé, si ce n’est pas le bonheur, cela semble être la base d’une certaine sérénité dans la vie. On peut le comprendre.

Jacques a la bougeotte, c’est le "rabalaïre" justement, ce qui désigne en occitan le type jamais chez lui, toujours par monts et par vaux. Lui et son vélo vagabondent du côté du col de l’Homme mort, dans les Cévennes ou sur les Causses, on sait plus trop, enfin quelque part entre Clermont et la Méditerranée, ces terres qui nous semblent si reculées depuis toujours qu’on ne sait jamais vraiment bien où tout ce bazar se trouve précisément sur une carte de France.

C’est dans ce trou – Gogueluz, ne cherchez pas sur Google map – qu’il va faire la connaissance d’un biotope assez dingue : un curé philanthrope qui couche (en tout bien, tout honneur) avec ses ouailles en souffrance ; Enric, un fermier taciturne qu’on imagine à raison venu du fond des âges et qui distille la fameuse "brigoule" (boisson aphrodisiaque stupéfiante dont les vertus vont jusqu’à provoquer un trafic inattendu) ; la veuve Fabre dont le fils supporte très mal que Jacques lui tourne autour ou encore Gabin l’érotomane flippant. Entre autres.

Si vous ajoutez à cela que Clermont-Ferrand est frappée par un attentat islamiste, que toutes les polices recherchent un des assaillants en fuite et que notre ami Jacques voit débouler un jeune Arabe sans-abri au pied de son immeuble, vous sentez venir la farandole des peurs plus ou moins inavouables de la France d’aujourd’hui.

Alors pourquoi et comment, avec cette histoire tous azimuts, Rabalaïre tutoie le merveilleux ? Cela tient à cette qualité essentielle : Alain Guiraudie échappe totalement à l’orthodoxie formelle et substantielle de la littérature contemporaine. Aucune ligne ne semble avoir été écrite sous le joug d’une quelconque intention putassière (brosser le futur lecteur dans le sens du crin). L’autre étoffe de Rabalaïre, c’est d’embrasser le polar, le récit politique, les frontières du porno, l’ésotérisme, mais aussi la chronique sentimentale dans un roman du terroir tout sauf difforme. Le destin d’un homme ne peut être disproportionné. On pourrait à la 1038ème page du livre ré-attaquer la première. Ainsi va la vie et on ne lui reproche pourtant pas sa longueur. Bien au contraire.

À travers la crudité permanente de ces pages, ne vous attendez pas non plus à la parade des Monstres. Guiraudie touche ici du doigt l’Humanité et ses angoisses, sa pulsion de mort mais aussi sa bonté, ses désirs animaux, sa jouissance, son amour. Si mon paganisme ne me rend pas très crédible sur le sujet, il me semble pourtant qu’il y a quelque chose de très christique chez Jacques dans sa quête de l’autre, qu’il s’agisse d’une "putain", d’un homo, d’une vieille ou d’un Arabe.

On pourrait avoir l’envie de connecter Rabalaïre aux films d’Alain Guiraudie, œuvre pour laquelle l’auteur doit sa réputation méritée (et notamment son dernier film Viens, je t’emmène qui reprend une petite partie du roman). Pourtant, si l’on pense cinéma, je pencherais plutôt vers Bruno Dumont dont le film magistral L’humanité parvenait avec une réussite analogue à embrasser l’amour avec un A majuscule quand partout ailleurs, ce n’est pas joli-joli.

Je finis en guimauve, mais j’ai le cœur tendre. Eh oui, moquez-vous de moi, c’est de bonne guerre. Si c’est le cas, c’est que vous serez parvenu au bout de cette chronique poussive car béate d’admiration.

Peut-être auriez-vous dû vous arrêter à ces deux mots du début : "Lisez Rabalaïre" !

Là où chantent les écrevisses / Delia Owens

Là où chantent les écrevissesPar Clémentine, bibliothèque Saint-Bruno de Grenoble

La fille et le marais

Je conseille ce premier roman de Delia Owens, biologiste et zoologue américaine. Le récit s’amorce dans les années 1940 et se déroule essentiellement dans un marais, en bordure d’une petite ville de Caroline du Nord. On suit la trajectoire solitaire de Kya, petite fille très tôt livrée à elle-même. Évoluant dans le marais, en marge des villageois, elle apprend très jeune à se débrouiller seule et développe peu à peu une connaissance inégalée de son environnement. Elle devient une femme forte et marginale, une suspecte idéale quand les choses tournent mal à Barkley Cove. J’ai eu beaucoup de plaisir à lire ce roman tant pour l’intrigue, que j’ai trouvée captivante, que pour la place centrale donnée au marais, écosystème que Delia Owens fait bruire avec force.

Une soupe à la grenade / Marsha Mehran    

Une soupe à la grenadePar Axelle, bibliothèque de Saint-Martin-d'Hères

A déguster 

Un premier roman plein de charme qui mélange habilement un côté feel good assumé et un côté plus sombre sur l’exil, le déracinement et les difficultés d’intégration. 1986, Marjan, Bahar et Layla, trois sœurs iraniennes fuient la révolution de leur pays. Exilées en Irlande, elles s’y installent et ouvrent le Babylon Café dont les effluves de la cuisine persane intriguent et chavirent les habitants. Des personnages hauts en couleurs, des recettes de cuisine qui ponctuent chaque fin de chapitre et qui font de ce livre une aventure humaine et culinaire pleines de saveurs. Marsha Mehran s’est inspirée de sa propre histoire.

Rule / Ellen Goodlett

RulePar Cécile, bibliothèque de Saint-Martin-d'Hères

Se battront-elles pour le trône ou s'allieront-elles contre le maître chanteur ?

Trois sœurs que tout oppose et cachant de lourds secrets, une couronne et un maître chanteur qui a la ferme intention de les empêcher de s'en emparer. Voilà la recette parfaite de ce roman de fantasy ! Le fait de suivre les points de vue d'Akeylah, Ren et Zofi nous permet d'approfondir le caractère de chacune et de comprendre comment elles en sont arrivées là, quelles choses terribles elles cachent mais surtout ce qui les a conduit à agir comme elles l'ont fait. Ces secrets sont d'ailleurs chacun liés d'une manière ou d'une autre à la situation qui les réunit aujourd'hui. Mais comment le maître chanteur peut-il bien être au courant et comment l'arrêter ? L'une des trois finira-t-elle par accéder au trône ? Dans cette histoire dont on connaît le dénouement final au bout du second tome, le suspens reste intact jusqu'à la fin !

Le fracas et le silence / Cory Anderson

Le fracas et le silencePar Tristan, bibliothèque de Pont-de-Claix

Un thriller palpitant

Le fracas et le silence est un thriller palpitant racontant l’histoire de Jack, un  lycéen âgé de 17 ans né d’un père  braqueur et d’une mère toxico. Suite au décès de sa mère, Jack va devoir se débrouiller pour protéger et s’occuper de Matty, son petit frère. Pour éviter d'avoir à ,le confier à un orphelinat ils vont s’enfuir de chez eux avec quelques affaires et boites de conserve. Pour arranger leur situation, il décide d’essayer de retrouver le magot qui a emmener son père en prison. Ils seront aidés de Ava, une fille du même âge que Jack dont le père est aussi a la recherche du magot.