Les livres recommandés par vos bibliothécaires - 30

Amélie a adoré ce roman qui parle d'ados qui naviguent à vue et ne parviennent pas à se projeter. Elle a également apprécié suivre l'entrée au collège de cette adolescente dont les parents lui font honte. Pauline a aimé ce romain policier dont l'action se situe dans les Cornouailles et qui voit un père tenter de renouer le lien avec sa fille. Catherine a aimé l'histoire de cet adolescent, qui en choisissant un sujet d'exposé courageux révèle son homosexualité. Clémentine partage son enthousiasme pour l'essai Sorcières de Mona Chollet. L'avis de Virginie nous emmène en expédition dans le Grand Nord.

 

Les derniers des branleurs / Vincent Mondiot

Par Amélie, bibliothèque de Vif

Ados à la dérive

Ils sont élèves de terminale dans un lycée de banlieue parisienne : Chloé, en colère contre tout, qui cherche le conflit ; Minh Tuan qui ne s’intéresse qu’aux mangas et Gaspard qui aime piquer des mangas à Minh Tuan et mater des pornos.

Bosser en cours ? Savent pas faire. Un métier ? Un projet ? C’est pas pour eux tout ça. Les mois défilent et le bac se profile. Pendant que les élèves de leur classe étudient en espérant décrocher leur bac, eux trainent, font parfois acte de présence en cours, fument, boivent, se droguent. À quoi bon se projeter alors que la fin du monde approche ? À quoi ça rime de faire semblant alors qu’on va dans le mur ?

C’était avant l’arrivée de Tina, migrante congolaise qui va intégrer le groupe. Et avant qu’une prof ne les traite de branleurs. Électrochoc qui va les décider à obtenir leur bac, avec mention ! Tant qu’à faire, ils visent haut ! Mais sans trop travailler, faut pas déconner. La triche, ça leur correspond mieux ! Et Tina sera leur meilleure alliée.

Vincent Mondiot parle des errances des adolescents avec justesse. Chacun des personnages exprime un mal-être, une peur. L’avenir, devenir des adultes, exercer un métier ? Terrifiant. Impossible d’imaginer aussi loin pour certains.

J’ai adoré ! Ces jeunes qui avancent comme ils peuvent, dans un monde qui les fait flipper. Les notes régulières qui renforcent le texte, rendent l’histoire plus vraie. Le vocabulaire cru des ados, qui ne se font pas de cadeau. Qui se disent "ta gueule" pour se dire "je t’aime".

Ce livre a reçu le prix Vendredi 2020, c’est mérité ! Je vous conseille également du même auteur, Rattrapage, qui aborde le harcèlement scolaire, du point de vue de la harceleuse. Court et percutant.

Le corps et l'âme / John Harvey

Par Pauline, bibliothèque Centre-Ville de Grenoble

Body and soul

Frank Elder, ancien flic à la retraite, vit une existence tranquille dans les Cornouailles où il s’est retranché depuis quelques années. Quand il reçoit la visite subite de sa fille, Catherine, qui semble encore ébranlée par une récente histoire d’amour toxique avec un peintre plus âgé, la carapace semble se craqueler. Quelques jours plus tard, il apprend la mort violente du peintre en question. Direction Londres pour tenter d’éclaircir cette histoire, et peut-être renouer des liens avec sa fille…

John Harvey est l’auteur de plusieurs séries de romans policiers mettant en scène, entre autres, Frank Elder. Il avait dit raccrocher, et pourtant ce dernier roman vient nous cueillir comme il faut. Servi par une écriture toute en finesse, ce polar anglais, économe et poétique, aborde la question des violences dans le couple, des liens familiaux, des traumatismes.

L’ambiance est crépusculaire, les échanges maladroits ; le passé reste le passé, les erreurs ne sont pas toujours rattrapables, et pourtant le temps passe en douceur dans les cœurs et les corps de nos voisins anglais.

L'âge du fond des verres / Claire Castillon

Par Amélie, bibliothèque de Vif

Les parents : la honte de tout adolescent

Guilène entre au collège, elle a du mal à se faire aux codes (et ne les comprends pas !) : ne pas trop parler aux garçons, ne pas jouer dans la cour (alors qu'elle meurt d'envie de jouer à chat, cache-cache), ne pas jouer au parc et ne s'asseoir que sur des bancs en particulier. Heureusement, sa copine Cléa est là pour lui rappeler et l'empêcher de commettre des erreurs.

Au collège, on n'aime pas trop que les parents s'approchent trop près du portail, il faut de la distance. Encore plus pour Guilène, qui a des parents plus âgés que les autres parents, et qui essuie des remarques, des moqueries. Cela ne la gênait pas trop, en primaire, qu'on prenne son papa pour son grand-père, ça la faisait même rire. Mais là, elle a honte de leur âge, de leur allure. Comparés aux parents hyper branchés, les siens sont des fossiles. Elle ne les a pas vus vieillir.

Roman sympathique sur l'entrée au collège et les différences entre familles (quelques clichés et passages sans surprise, mais cela reste agréable). Les réflexions de Guilène sur toutes ces règles sont très drôles. Les personnages sont attachants, les portraits des autres parents font sourire (la mère de Cléa, notamment).

J'ai passé un bon moment, l'histoire est rythmée. J'ai ri et repensé à mon entrée au collège... Dire que ce sera bientôt moi, la maman d'une collégienne !

Jour de courage  / Brigitte Giraud

Par Catherine, bibliothèque Centre-Ville de Grenoble

Oser la vérité

Adolescent considéré par tous comme un garçon "convenable", bon élève, Livio est intérieurement rongé par le doute et inquiet quant à l’avenir. Lors d’un exposé devant sa classe de terminale, il choisit d’aborder les autodafés nazis à travers la personnalité de Magnus Hirschfeld. Dès les années 20, ce médecin juif allemand, le premier à avoir élaboré la théorie du "Troisième sexe", a milité pour la dépénalisation de l’homosexualité et l’égalité homme-femme. Sa bibliothèque, constituée de 20 000 documents sur le sujet, a été brûlée en 1933.

Un choix d’exposé courageux pour ce garçon discret, car il se transforme progressivement en coming out. Une façon pour Livio d’oser enfin affirmer à voix haute ce que personne dans son entourage ne voyait ou ne voulait voir, d’en finir avec le mensonge, et d’être honnête avec lui-même et les autres.

Depuis une vingtaine d’années, Brigitte Giraud ne cesse d’explorer les tourments de l’adolescence. A l’exception d’A présent (2001) et de Marée noire (2004) qui évoquaient la mort de son compagnon, tous ses livres ont pour figure centrale des adolescents fragiles, inquiets devant un avenir incertain, tentant de s’accommoder d’un corps en train de changer, et de s’émanciper d’une famille qui les étouffe, quand elle ne les détruit pas. Jour de courage est sans doute son livre le plus engagé. Outre l’homosexualité, elle y aborde l’intolérance en général, la transmission de l’Histoire, la société d’aujourd’hui.

Avec sa sensibilité habituelle, Brigitte Giraud mêle intime, social et historique, et nous rappelle que ce que l’on croit acquis peut être remis en question à tout moment.

Sorcières / Mona Chollet

Par Clémentine, bibliothèque des Relais lecture de Grenoble

La sorcière à quatre têtes

Mona Chollet livre une étude passionnante. Elle introduit son essai avec le Moyen-âge. La chasse aux sorcières débute et entérine la persécution des femmes pour les siècles suivants. Il est édifiant de s’intéresser à nos représentations contemporaines ! Cet être magique vit toujours dans nos esprits. Et que dit-il ? Mona Chollet articule son ouvrage sociologique en quatre parties, soit les quatre visages de la sorcière d’hier et d’aujourd’hui : la femme célibataire, la femme sans enfant, la femme vieillissante et la femme savante. Elle nous invite à penser l’influence qu’exercent sur nous le cinéma, les contes et les médias, en général. Elle s’est énormément documentée. Elle cite des dizaines de témoignages de femmes et crée, en quelque sorte, un chœur de sorcières. Elle mêle sa voix à celles des autres. Ses interventions, à la première personne du singulier, sont évocatrices et souvent teintées d’humour. Pour ma part c’est une véritable découverte. J’ai adoré !

Mona Chollet est journaliste et essayiste suisse. Depuis 2016, elle est cheffe d’édition au Monde diplomatique.

Un monde sans rivage / Hélène Gaudy

Par Virginie, bibliothèque Teisseire Malherbe de Grenoble

Traces d’instants sorties des glaces

La glace plonge, doucement, les corps dans l’inertie ; elle conserve. Le temps passe, la terre ne cesse sa rotation, gardant au Nord, en son pôle, les secrets de la disparition de trois explorateurs : Salomon August Andrée, Knut Frænkel et Nils Strindberg, disparus en 1897 après avoir pris leur envol à bord d’un ballon et déterminés à rejoindre le pôle Nord. Trente-trois ans plus tard, la fonte de la glace libère un journal de bord et quelques rouleaux de pellicules abimées. De la rencontre avec les mots et les images alors révélés, Hélène Gaudy, à travers son écriture, nous plonge dans l’aventure de ces trois hommes, leur errance sur ce territoire si convoité, emportés par leur curiosité et leur désir de conquête de nouveaux espaces.

Un texte à la fois poétique, imagé et très documenté qui nous entraine dans un voyage dans le temps au pays du Grand Nord.