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Les livres recommandés par vos bibliothécaires - 27

Femme tenant une liseuse
Image par Perfecto_Capucine de Pixabay

Amélie a aimé ce roman qui lui a fait se rappeler ses souvenirs de vacances. Dorothée a trouvé passionnant ce récit centré sur les anguilles. Aude nous recommande la lecture de ce livre sur la santé des femmes. Soumia partage son avis sur un essai très documenté sur la guerre d'Algérie. Estelle partage son coup de coeur pour une trilogie qui aborde les attentats de 2015 à travers le regard et les pensées d'un adolescent de 17 ans. Cathy a aimé ce livre qui raconte la fin du XXe siècle à travers la vie d'une famille d'agriculteurs du Lot.

 

Une photo de vacances / Jo Witek

Une photo de vacancesPar Amélie, bibliothèque de Vif

Courage, Eugénie !

C’est parti pour 15 jours de vacances dans le Sud, au revoir la grisaille de la région parisienne ! Seule ombre au tableau : la meilleure amie de sa sœur fait partie du voyage, cela ne l’enchante pas de la partager.

Au programme de ce roman : du soleil, des siestes, de l’ennui (il faut bien trouver à s’occuper pendant que les grandes font le mur et que le reste de la famille se repose), des questionnements, de la jalousie et surtout : les premiers émois. Les petits papillons dans le ventre et dans le cœur, l’envie de le crier au monde entier et à la fois de garder le secret. Et la tristesse quand il faut se quitter (tristesse qu’une photo de vacances, justement, permettra d’atténuer).

Jo Witek décrit à la perfection le rituel des vacances : l’excitation du départ, l’arrivée dans la location, les petites habitudes qui se mettent en place et le retour, moins enjoué. Elle décrit surtout très bien les émotions que ressent Eugénie : sa place de deuxième, son envie de ne pas perdre sa sœur aînée, qui grandit, la puberté qui pointe son nez et qui la chamboule à l’intérieur ("-Maman ? C’est… normal de se sentir bizarre parfois à mon âge ?" "- Et pourquoi j’ai si souvent envie de pleurer ? ").

J’ai aimé, du début à la fin ! Parce que ce roman m’a ramené en mémoire des souvenirs de vacances, enfant. Et parce que Jo Witek trouve les mots justes pour parler de cette étape qu’est la préadolescence et de tous les chamboulements qu’elle produit.

L'Evangile des anguilles / Patrik Svensson

L'Evangile des anguilles Par Dorothée, bibliothèque de La Tronche

Un récit passionnant au sujet surprenant

Dans "L'évangile des anguilles" Patrick Svensson mêle récit personnel, intime et récit scientifique. L'auteur découvre l'anguille en Scanie, dans le sud de la Suède avec son père lors de séances de pêche qui sont des moments partagés privilégiés.

Le livre est construit sur une alternance de chapitres autobiographiques et de chapitres documentaires sur ce poisson mystérieux et cette seconde partie est vraiment passionnante. L'anguille est un poisson qui a donné du fil à retordre aux scientifiques ! D'où viennent-elles, comment se reproduisent-elles, est-ce véritablement un poisson ou est-ce un reptile ?

L'auteur voit-il à travers le destin individuel et collectif des anguilles une manière de comprendre le monde et son histoire personnelle qui le lie à son père ?

On se laisse prendre par ce récit bien mené prétexte à questionner les origines.

C'est mon corps / Martin Winckler

C'est mon corpsPar Aude, bibliothèque de Saint-Egrève

Indispensable

L'auteur y traite les idées reçues et préjugés sur la santé des femmes en général, quels que soient leur âge, leur désir/non-désir d'enfant, leur orientation sexuelle. Toutes les questions sont posées et traitées de façon claire et précise, avec objectivité ET empathie (exercice difficile).

L'écriture de Martin Winckler, aussi auteur de romans, est très agréable : c'est un peu le roman de notre santé à toutes. Vraiment, un livre à mettre dans toutes les liseuses !

Papa, qu'as-tu fait en Algérie ? / Raphaëlle Branche

Papa, qu'as-tu fait en AlgériePar Soumia, bibliothèque Kateb Yacine de Grenoble

Un silence assourdissant

A travers la douloureuse expérience des appelés du contingent, Raphaëlle Branche historienne ayant déjà publié plusieurs textes sur la guerre d’Algérie, notamment sur la pratique de la torture (La torture et l’armée, 1954-1962, Gallimard), s’intéresse dans cet essai aux répercussions et aux traces laissées par cette guerre sur les familles : père, mère, frères et sœurs, épouse et enfants.

Pour cette étude, elle a procédé à la collecte de témoignages individuels et familiaux, à l’enquête et à la consultation d’archives. Les témoignages recueillis sont incarnés par des personnes désignées par leur nom, ce qui à la fois singularise le récit et l’inscrit dans une pluralité d’expériences dont l’articulation révèle des thématiques générales. Cette guerre a bouleversé les parcours individuels, a séparé maris et femmes, pères et enfants, a reporté mariage et travail, et dans certains cas a donné lieu, à des bifurcations et des réorientations radicales. Elle s’est incrustée durablement dans les corps et les esprits, faisant effraction au détour d’un mot, à la récurrence d’un cauchemar, par l’alcoolisme, la violence exercée contre épouses et enfants, etc.

Environ 1,5 million de jeunes français furent envoyés en Algérie pour effectuer leur service militaire et officiellement participer à des opérations de maintien de l’ordre. Or, la réalité du terrain a soumis ces hommes aux atrocités de la guerre et a mis leur pratique en porte-à-faux avec le discours officiel d’une simple démarche pacificatrice. Beaucoup sont revenus marqués par ce vécu qu’ils n’ont pas pu mettre en mots. Comment parler d’une guerre qui ne dit pas son nom et comment répondre à des questions qui ne sont pas posées ? Confrontés à la nécessité de reprendre le cours de leur vie : mariage, travail, les appelés passèrent sous silence la tragédie algérienne, se conformèrent ainsi aux injonctions politiques de la non reconnaissance de cette guerre et au refus d’entendre de la société dans son ensemble. La loi d’amnistie votée après le cessez-le-feu de mars 1962 ne fit qu’épaissir encore plus le silence. Ces hommes bataillèrent pendant de longues années avant d’obtenir en 1975 le statut d’anciens combattants. Il faudra encore attendre longtemps pour que cette guerre soit reconnue comme telle par le gouvernement français. Cette reconnaissance aura lieu en 1999 après des années de débats, de polémiques, de mises en exergue littéraires et cinématographiques.

Cette génération d’hommes a grandi avec le souvenir pesant et constitutif des deux guerres mondiales à travers le vécu des grands-pères et des pères. Imprégnée par les valeurs héritées de cette histoire nationale, le service militaire est pour eux un passage obligé, le lieu d’une socialisation masculine gage de virilité et consécration de la vie d’adulte. Dans la société des années cinquante, les assignations de genre sont encore fortement marquées, l’autorité masculine reste dominante et le mariage une institution. Mais le tournant des années soixante va profondément bouleverser les rapports de genre, le couple et la famille. Le recours à la pilule, le droit à l’avortement, le divorce par consentement mutuel, l’autorité parentale conjointe instaure des relations plus égalitaires entre homme et femme et impactent l’éducation des enfants. C’est dans une société en pleine mutation, prise dans le mouvement des trente glorieuses que ces hommes reprennent place avec leur fardeau algérien.

Pour beaucoup, ce fardeau pèsera lourd et longtemps sur eux et leur famille. Combien parmi eux furent emportés par l’alcoolisme et le suicide ? Et combien d’épouses et d’enfants furent les victimes collatérales de ce combat ? Difficile dans un contexte où la guerre n’existe pas d’établir des liens entre symptômes traumatiques et guerre d’Algérie. La psychiatrie française ayant pris du retard sur le diagnostic du traumatisme de guerre, cette souffrance est restée niée, enfouie, refoulée. Sommés de mettre à distance leur expérience algérienne, ils ne purent vraiment transmettre ce vécu qu’au moment de la retraite. Et pour cette génération, l’âge de la retraite coïncida avec la reconnaissance officielle de cette guerre. Poussés par le devoir de mémoire, ils s’adonnèrent dans les années 2000 à l’écriture et la verbalisation afin d’inscrire cette expérience dans une continuité filiale et générationnelle, mais aussi pour éclairer l’histoire collective.

Un livre riche, vivant, une étude très complète et très documentée sur un sujet insuffisamment traité.

À la place du coeur - Saison 2 / Arnaud Cathrine

À la place du coeur Par Estelle, bibliothèque de Saint-Martin-d'Hères

Moderne et sans détour

Dans cette trilogie, Arnaud Catherine aborde le thème des attentats de l'année 2015 de façon très juste et sobre, mais aussi sans détour et sans se voiler la face.

Il le fait au travers d'un adolescent de 17 ans qui traverse cette horreur tout en connaissant ses premiers émois amoureux, contraste saisissant qui laisse ce personnage parfois complètement perdu. Il brosse ainsi le portrait d'une génération qui a grandi avec internet, qui vit dans un climat de peur, qui aimerait s'engager et qui manque de perspectives d'avenir. Il a également le mérite de nous plonger dans la tête d'un garçon, ce qui n'est pas si courant en littérature ado, offrant un aspect psychologique très intéressant.

Nous suivons les personnages sur deux ans, traversant avec eux deuils amoureux, grands bonheurs, questions sur leur avenir, et première élection présidentielle. L'écriture a également une place importante, car c'est elle qui sauvera Caumes, le propulsant au rôle d'auteur, intéressante mise en abyme.

Mon coup de coeur va au tome 2, car c'est celui qui m'a le plus touchée, mais la trilogie dans son ensemble m'a convaincue.

Enfin, j'ai particulièrement apprécié le ton moderne du roman, franc et direct, frôlant parfois l'impudeur. Il passe d'un style de narration à l'autre (dialogue de théâtre, sms, ...) de manière très fluide, selon ce qu'il souhaite exprimer. Cela rend le récit rythmé et vivant. A découvrir à partir de 15 ans.

Nature humaine - Prix Fémina 2020 / Serge Joncour

Nature humainePar Cathy, bibliothèque de Saint-Egrève

Ode à la nature

Serge Joncour nous entraine dans une fresque sociale, historique de 1976 à 1999.

A travers la vie d'une famille d'agriculteurs installée dans le Lot, l'auteur dépeint une époque et un mode de vie. Le roman débute pendant l'été 1976, l'année de la grande sécheresse où le climat commence à dérailler. Puis, Serge Joncour évoque l'arrivée de François Mitterrand au pouvoir, les inquiétudes des agriculteurs avec l'arrivée de la culture intensive, de la grande distribution, et la fin du siècle.

C'est un livre coup de poing qui dénonce notre société à venir où les machines, la technocratie remplace l'humain et en même temps c'est un livre rempli d'humanité qui rend grâce aux agriculteurs.

Très beau coup de projecteur sur la fin du siècle dernier.