Les livres recommandés par vos bibliothécaires - 23
Nadira a été touchée par l'histoire d'une mère et de sa fille que le destin a placé "du mauvais côté". Elle nous partage également son avis sur une histoire inspirée de faits réels qui se déroule en Norvège, il y a 400 ans et qui reste terriblement d'actualité. Céline a aimé l'histoire d'un père qui élève seul ses deux fils. Pauline nous recommande trois livres : un roman fort, noir, violent qui suit une bande d'adolescents de Denver, au Colorado ; un autre, tout aussi sombre, qui enquête sur la disparition d'une jeune anglaise dans la nuit de Tokyo ; et enfin, pour retrouver de la légèreté, un livre qui relate les aventures du narrateur dans le bush australien.
Dans les yeux du ciel / Rachid Benzine
Par Nadira, bibliothèque Teisseire-Malherbe de Grenoble
Sacrifice de mères, combat de femmes
C’est l’histoire de deux femmes, une mère et sa fille, Nour. Arrivée de la campagne, la mère, violée par son employeur, se retrouve à la rue. Aidée par des prostituées, devenant l’une des leurs, elle est prête à tout pour subvenir aux besoins de sa fille, quitte à accepter de prendre des risques, à affronter des souffrances qui finiront par l'achever lors d'un énième avortement, bain de sang sous les yeux de la petite fille.
Nour, douze ans, pensant chercher secours auprès de personnes dépositaires de la loi et de la morale, se retrouve à son tour convoitée, proie soumise à la bestialité des hommes. Voilà l’enfant subissant, à son tour, le sort de sa mère. Poussée à la prostitution, soumisse à la violence et à la bassesse d’adultes sensés la protéger, la fillette voit son enfance envolée, son innocence brisée, sa confiance en les hommes effacée. Elle trouve un peu de réconfort et d’humanité auprès du vieux Omar, l’épicier chez qui on trouve tout, même une oreille attentive et Slimane, qui lui permet, parfois, de rêver à un autre monde à travers ses poèmes.
Dans ce nouveau livre, véritable analyse sociologique du milieu de la prostitution, Rachid Benzine, avec sa clairvoyance habituelle et sans tabous, nous livre un véritable hymne aux femmes que le destin a placé "du mauvais côté", à leur combat pour survivre dans un entourage hostile mais ô combien hypocrite. Le tableau est cru, violent, à la limite du supportable. Le discours interpelle, les personnages touchent, les consciences s’éveillent, du moins, on l’espère.
Nour veut dire "Lumière".
Les Graciées - Kiran Millwood Hargrave
Par Nadira, bibliothèque Teisseire-Malherbe de Grenoble
Grandeur et décadence de la nature humaine
En 1617, à Vardo, dans le Finnmark, au nord-est de la Norvège, une quarantaine de marins, presque tous les hommes de l’ile, périssent dans une terrible tempête. Passés la stupeur et le chagrin, les femmes, mères, sœurs, épouses des disparus doivent prendre leur destin en main pour survivre. Cette nouvelle situation leur donnant plus d’indépendance dérange l’équilibre ancestral instauré par les hommes et l’Eglise. Cette dernière y voit une menace pour son emprise.
Le village, qui compte parmi ses habitants des « Samis », nomades qui pratiquent le chamanisme, communiquent avec les esprits et les éléments sont dans le collimateur du seigneur de la région. La nouvelle loi du roi Christian IV contre la sorcellerie est l’occasion d’une chasse aux sorcières sans merci, pour christianiser ce peuple rebelle et remettre en question la nouvelle indépendance des femmes.
Absalom Cornet, personnage sinistre, autoritaire et sans scrupules, est délégué sur l’ile pour la purifier de ces « impies ». Sa jeune épouse, découvrant la rudesse de la vie de ces femmes, leur lutte pour leur liberté, se lie d’amitié avec la jeune Maren. Sa prise de conscience arrivera-t-elle à influencer l’ordre des choses ?
Inspiré de faits réels, ce roman puissant, aux paysages à couper le souffle, nous entraine 400 ans en arrière. Mais les questions soulevées sont d’une étonnante actualité : emprise religieuse, domination des hommes sur les femmes, lutte pour l’indépendance et le droit des femmes, liberté pour les minorités de disposer de leur destin.
Ce qu'il faut de nuit - Prix Femina des lycéens 2020 / Laurent Petitmangin
Par Céline, bibliothèque de Saint-Martin-d'Hères
Un premier roman intense et tendre
C'est l'histoire d'un père qui élève seul ses deux fils. Le récit du quotidien de cette famille sonne si juste que l’on y plonge immédiatement. Puis l’histoire s’intensifie et on ne peut plus lâcher le livre.
Un premier roman bien construit, plein de tendresse et de grandes questions autour de la politique, les relations familiales, la violence...
Les Dynamiteurs / Benjamin Whitmer
Par Pauline, bibliothèque Centre-Ville de Grenoble
L'explosion des rêves
Du haut de leurs 14 ans, Sam et Cora veillent sur une bande d’orphelins à Denver, Colorado, à la fin du 19ème siècle. La vie est rude dans les bas quartiers et il faut rivaliser d’ingéniosité pour survivre. Le vice est partout à travers la prostitution, l’alcool, les jeux, et l’hypocrisie aussi : des ligues de tempérance tentent de légiférer, la religion s’en mêle et la corruption s’épanouit.
Un soir, la bande se fait attaquer par des clochards et ils manquent y laisser leurs peaux. C’est sans compter sur la présence d’un colosse défiguré, Goodnight, qui prend leur défense. Goodnight ne peut plus parler et communique par le biais d’un petit carnet que Sam est le seul à savoir lire. Quand une vieille connaissance retrouve Goodnight, les vrais ennuis peuvent commencer…
Roman noir, roman de la fin de l’enfance, roman des espoirs perdus et des vies gâchées : préparez-vous à être secoué par le récit de Sam. Un cauchemar éveillé qui nous entraîne tout droit dans l’enfer de la rue, aux côtés des laissés-pour-compte, ceux pour qui chaque jour est un pari. Un cauchemar émaillé de violence et d’injustice où l’amour, avec peine, tente de naître, et s’évanouit presque aussitôt dans une déflagration.
L’explosion de nos rêves, c’est un sujet qui mérite le détour, n’est-ce pas ?
Dévorer les ténèbres / Richard Lloyd Parry
Par Pauline, bibliothèque Centre-Ville de Grenoble
Faim de faits divers
Lucie Blackman est jeune, blonde, anglaise. Telle l’Alice de Lewis Caroll, elle pénètre dans les nuits de Tokyo et, au mois de mai de l’an 2000, disparaît… Que faisait-elle là-bas, quelle était sa vie, où travaillait-elle ? Comment expliquer cette disparition ? Devant le peu de réactions de la police tokyoïte, d’une lenteur qui frise l’incompétence, sa famille décide de rendre l’affaire publique.
Ce livre, fruit d’un travail de journaliste, dépeint tout à la fois le petit monde noctambule de Tokyo, mais aussi une époque, une société, japonaise, et même une famille, celle de Lucie. La route sera longue avant de savoir ce qu'il lui est réellement arrivé, et encore plus longue pour ses proches qui seront littéralement broyés par la machine judiciaire. Devenue une obsession pour le journaliste, cette enquête (qui s’étale sur une dizaine d’années) nous plonge dans l’inconscient japonais et côtoie le cauchemar le plus noir mais aussi le plus humain.
Il est difficile de ne pas trembler à l’évocation de la quête du tueur ou à la découverte de la nuit tokyoïte, d’une étrange perversité.
Le koala tueur et autres histoires du bush / Kenneth Cook
Par Pauline, bibliothèque Centre-Ville de Grenoble
Méfiez-vous des koalas
Vous cherchez une lecture qui vous fasse du bien ? Jetez-vous sur les livres de Kenneth Cook !
Si la jungle est pleine de dangers, le bush australien l’est tout autant... Le narrateur, sorte de double de l’auteur, conte ses mésaventures dans l’arrière-pays australien. Tout le bestiaire y passe : crocodile, serpent et même koalas, qui ne sont finalement pas les inoffensives boules de poils qu’on s’imagine ! Nous vous mettons au défi de ne pas rire à gorge déployée à la lecture de ce petit bijou de burlesque, servi par une écriture d’une drôlerie étonnante.
L’auteur, disparu aujourd’hui, assurait que ces histoires lui étaient vraiment arrivées. Le métier d’auteur, un métier dangereux ?
